SOUVENIRS... (1)

Publié le par Paul Abram



C’est un sujet intime que j’aborde aujourd’hui… Pas dans mes habitudes depuis le début de ce blog… Mais voilà, parfois, une simple date sur un calendrier vous retourne le sang.
Aujourd’hui, s’il était encore parmi nous, je lui aurais souhaité ses 91 ans… Mais voilà, depuis dix ans, je n’ai plus ce bonheur intense d’être à ses côtés, de partager son quotidien, d’engager de longues discussions  sur les problèmes de société, de partir en promenade durant de belles heures où, dans un long silence, nous savions le bonheur d’être tout simplement nous deux…
Les mots sortent difficilement quand on veut parler de soi… Durant sa riche existence, il a connu des moments de bonheur, de malheur, mais avant tout il a su apprécier à sa juste valeur les instants que chacun de nous (enfants, petits-enfants, amis…) ont pu lui apporter. Il fut avant tout un homme simple et respectueux de la liberté d’autrui.  Cette liberté lui était si essentielle que jusqu’à la fin de sa vie, il réussit à la préserver.
Son plus grand malheur, pourtant, ce fut la perte de son grand amour. Ma mère… A partir de cette disparition, la vie lui importât peu. S’il resta en vie, je le sais, il me l’a dit, c’est uniquement pour son petit-fils. Un petit bout de chou (à l’époque) qui lui donnait l’envie de se battre… Il ne voulait surtout pas le décevoir et lui faire de la peine…
Cet homme qui avait réussi à se hisser tout en haut de l’échelle sociale n’a jamais eu un regard de dédain pour les petites gens… Il était issu d’un milieu bourgeois, et pourtant dès son adolescence il s’engagea sur le chemin du combat pour l’égalité et la liberté. Plus que tout autre chose, l’injustice le révoltait…
Dans les années noires, il apporta son soutien à des réseaux qui venaient en aide, aux Républicains espagnols puis, aux juifs persécutés par les nazis et le régime de Vichy. Puis, vint la guerre d’Algérie. Il s’engagea sans réfléchir dans le camp de la liberté. Et cette liberté passait par l’Indépendance de son pays. Car l’Algérie c’était son pays. Le pays de ses origines, de ses ancêtres. Il savait aussi, qu’il n’avait pas le droit de revendiquer quoi que ce soit de ce passé. Car il y avait le peuple algérien bafoué qui souffrait, d’abord en silence puis en se révoltant. Durant les longues années de la guerre d’indépendance, il fut ce que certains appelèrent « un compagnon de route ». Entre sa mère et son pays, mon père choisit son pays. À la différence d’Albert Camus.
Mais durant ce combat, il n’oublia jamais, qu’en face, il y avait également des hommes et des femmes qui souffraient… Durant cette guerre qui ne voulait pas dire son nom, les deux camps le respectèrent. Puis, en janvier 1962, des membres de l’OAS organisèrent un « coup » contre cet homme libre. Il en sortit grandi… Malgré la douleur de voir sa femme et son fils entraînés dans ce conflit. Il quitta ce pays pour lequel il s’était battu, quelques mois après l’Indépendance. Son rêve se réalisait enfin . Dans les rues défilait le peuple algérien en liesse. Un peuple qui venait de conquérir la Liberté au bout de tant d’années de luttes, d’espoirs et de souffrances. A ce moment-là, mon père compris que son combat était terminé. En foulant le sol français, à Marseille, il était malheureux d’abandonner ainsi son Algérie, mais au fond de lui-même, un sentiment de bonheur le fit surmonter cette amertume. Le peuple algérien pouvait enfin prendre sa destinée entre les mains…
Ce fut son dernier combat public pour la liberté….

à suivre...

Publié dans coup de coeur

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